Thèse de Thomas CARREZ
Étude et développement d’analogues de la Roscovitine pour le traitement de la mucoviscidose
La mucoviscidose (CF) est considérée comme la plus fréquente des maladies génétiques autosomales récessives. Elle est provoquée par la mutation du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator) qui conduit à une anomalie de la fonction de la protéine du même nom. La protéine CFTR est impliquée dans les sécrétions transépithéliales. Sa dysfonction par la mutation F508del entraîne une atteinte multiorganes dont les poumons. En 2014, la société ManRos Therapeutics et le laboratoire PRéTI ont initialement collaboré pour étudier une molécule, la Roscovitine, dans le cadre du traitement de la mucoviscidose. La Roscovitine a d’abord été développée pour le traitement des cancers et de la maladie de Cushing (7 essais cliniques à ce jour). Ce composé possède également des propriétés d’inhibiteur du protéasome et des effets anti-inflammatoires très intéressants pour traiter l’inflammation dans la mucoviscidose en provoquant l’apoptose des cellules pro-inflammatoires telles que les Neutrophiles et les Éosinophiles. Malgré ces nombreuses qualités, les effets sur les patients sont restés insuffisants pour accéder à la phase 3 de l’essai clinique. La Roscovitine étant une molécule princeps, il a été décidé de synthétiser des analogues (nommés MRT) à partir des effets obtenus sur le courant CFTR-dépendant. Cependant, l’usage de plusieurs composés est devenu la norme pour le traitement de la mucoviscidose et le Kaftrio® s’est imposé comme le nouvel espoir pour les patients possédant au moins une copie de la mutation F508del. Le Kaftrio®, ou ETI, contient deux correcteurs Elexacaftor (VX445) et Tezacaftor (VX661) qui favorisent l’adressage de la protéine mutée à la membrane apicale des cellules épithéliales et d’un potentiateur Ivacaftor (VX770) qui va forcer l’ouverture des canaux pour stimuler leurs activités. Cependant, ce mélange peut être amélioré par l’addition d’une nouvelle classe de modulateurs dans ce traitement multimédicamenteux. Les objectifs de notre étude sont : (i) de cribler et d’identifier les composés MRT, analogues de la Roscovitine, induisant une correction de la protéine F508del-CFTR et (ii) de définir le mode d’action des MRT. Afin de déterminer la meilleure combinaison possible, nous avons synthétisé et criblé près de 150 molécules à trois concentrations différentes par chambre de Ussing en utilisant des cellules CFBE surexprimant la mutation F508del-CFTR. Sur l’ensemble du processus, plus d’un tiers des molécules présentent une amélioration de l’efficacité du traitement ETI de 20% à 1µM et 20 ont une activité supérieure à 20% à 100nM. En présence du traitement ETI + MRT, l’expression, la stabilité et la fonction de CFTR ont été respectivement quantifiée par Western-blot, étudiée par l’utilisation de cycloheximide (un inhibiteur de la synthèse protéique) et enregistrée en cellule entière par la méthode de patch-clamp automatique. Nous avons montré que les composés MRT sont capables d’améliorer l’activité de la protéine F508del en présence de la combinaison ETI ou de ses composés seuls. De plus, ils améliorent le temps de traitement pour atteindre le maximum d’effet par rapport à ETI et augmentent la demi-vie de la protéine F508del-CFTR. Enfin, la concentration de ETI en présence des MRT peut être réduite d’un facteur 10 tout en obtenant les mêmes effets ainsi qu’en diminuant potentiellement les effets secondaires liés aux différents médicaments. Des expériences complémentaires sont en cours sur des cellules de patients homozygotes pour la mutation F508del afin de valider les effets observés. Le co-traitement avec les MRT permet d’améliorer globalement l’efficacité de ETI sur l’adressage, la fonction ainsi que la stabilité de F508del-CFTR, mais ces effets ne sont pas encore comparables au CFTR-WT.
Mots clés : cellules épithéliales bronchiques humaines, F508del-CFTR, mucoviscidose, modulateurs pharmacologiques, Roscovitine, Criblage.